Quiconque se rend à une manifestation des gilets jaunes ou visionne des images de ces actes hebdomadaires se rend vite compte d’une chose : il n’y a pas de drapeaux ni banderoles de syndicats ou de partis politiques conventionnels.En revanche, on aperçoit des drapeaux de la France, parfois assortis du logo de la FIFA, du Sacré-Cœur ou encore des initiales RIC (pour référendum d’initiative citoyenne). De même sont présents des drapeaux aux fleurs de lys, symboles de la France éternelle. Pas de drapeaux de l’Union européenne non plus, mais des drapeaux de région. Le Gwenn ha Du breton côtoie le drapeau de Savoie. Rappelons que la diversité des étendards du mouvement des gilets jaunes permet aux élites médiatiques de revoir leurs notions de vexillologie (étude des drapeaux). Ainsi, BFM TV a présenté ses excuses après qu’un de ses invités, Sylvain Boulouque, « spécialiste des mouvements sociaux », comme l’indique la chaîne de télévision en continu, avait confondu le drapeau historique de la Picardie avec un drapeau royaliste : « On voit un drapeau avec des fleurs de lys qui illustre la monarchie et la volonté d’un retour du roi. » S’il fallait considérer tous les drapeaux régionaux arborant la fleur de lys comme un signe de militantisme monarchiste, la République aurait du souci à se faire ! Ne parlons pas du PSG, qui arbore une fleur de lys sur son logo… Mais bref, le sujet n’est pas là.
S’il est des drapeaux que les gilets jaunes refusent de voir dans leurs manifestations, ce sont ceux du camp qui cherche à les récupérer. C’est ainsi que, lors de l’acte X à Paris, au sortir du quartier Montparnasse, rue Vavin, des gilets jaunes se sont opposés à ce que des manifestants arborent celui de la CGT. « Quelle honte ! C’est vous qui avez appelé à voter Macron » sonne comme un réquisitoire. Rappelons, en effet, que, le 5 mai 2017, par la voix de son secrétaire général Philippe Martinez, la CGT appelait à voter pour le candidat libéral Emmanuel Macron : « Je souhaite que Marine Le Pen fasse le score le plus bas possible et que Macron fasse le score le plus haut possible. » Alors, le ton monte entre les manifestants : « Le cortège est arrêté pour des raisons de sécurité », crache à plusieurs reprises un mégaphone. S’engage alors une joute verbale. « La CGT, vous ne pouvez pas faire de la récupération »,reproche un gilet jaune. « Le cortège est celui des gilets jaunes et des citoyens, pas de la CGT », lance un autre, comme pour prendre le relais. Un partisan de la CGT préfère parler, quant à lui, de jonction : « Nous défendons le peuple. »
L’argument ne passe pas : « Peu importe, les syndicats n’ont pas à sortir leurs couleurs » ! » nous confie, par la suite, un manifestant particulièrement remonté par cette échauffourée. La vingtaine d’étendards rouges doit battre retraite par la rue adjacente devant ce refus des gilets jaunes de se voir associer avec le syndicat.
S’agit-il d’exclure des manifestants pour leur appartenance à une organisation ? Certainement pas : « Si vous venez pour les gilets jaunes, vous venez avec votre gilet jaune, mais pas avec votre drapeau de la CGT », explique un gilet jaune.