Le parlement italien a autorisé le test d’une monnaie parallèle. Si, sur le principe, le système peut paraître astucieux, son inventeur l’a en réalité pensé pour préparer l’Italie en cas de sortie de la zone euro.
Le gouvernement italien joue-t-il avec le feu? Fin mai, le parlement a voté à l’unanimité une motion sur le paiement des arriérés de l’État aux entreprises. Jusque-là rien de surprenant. Sauf que l’exécutif avait inclus un paragraphe, passé sous les radars de l’opposition selon les dires d’élus du Parti démocrate notamment (la formation de l’ancien Premier ministre Matteo Renzi, ndlr). Celui-ci autorise le test de certains instruments, comme les petits bons du Trésor, ces dettes émises par les pouvoirs publics.
Concrètement, au lieu de régulariser des factures impayées ou de verser des crédits d’impôt, l’État italien pourrait remettre à ses fournisseurs ou aux contribuables une reconnaissance de dette, sous la forme de petites coupures. Ces derniers pourraient ensuite s’en servir pour payer leurs impôts. Ce système donnerait plus de souplesse à l’administration dans la gestion de la trésorerie. Mais pas seulement. Puisque l’État est garant de ces petites coupures, les détenteurs pourraient aussi les utiliser comme moyen de paiement, elles deviendraient alors une monnaie parallèle à l’euro.
À première vue, le système peut sembler plutôt astucieux. Pourtant, il inquiète les dirigeants européens et les marchés. Car celui qui a inventé ces petites coupures, baptisées « mini-BOT » (pour « mini bon ordinaire du Trésor »), est l’économiste Claudio Borghi. Membre de la Ligue, le parti d’extrême-droite du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, il a été élu député en mars 2018. Il fait partie d’un courant eurosceptique, pour qui « l’euro, tel qu’il est réalisé et géré, est à l’origine de la plupart des maux économiques de l’Italie », résume Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG.
« Il craint que si l’Italie se retrouve sur le point de quitter l’euro, elle ne puisse pas le faire parce qu’elle risque d’être asphyxiée financièrement et contrainte de capituler comme les Grecs en 2015 », explique Éric Dor. Dans la tête de Claudio Borghi, « émettre une monnaie parallèle permettrait d’avoir assez de liquidités pendant la transition. »
Un levier de négociation ?
Les mini-BOTs pourraient ainsi, aux yeux des marchés, crédibiliser la menace par l’Italie de quitter la zone euro. C’est en tout cas ce qu’a affirmé l’agence de notation Moody’s début juin:
« Nous estimons que l’émission de ces titres est très improbable, mais le fait que la proposition ait refait surface est noté négativement », a-t-elle déclaré selon Reuters. « Nous considérerions l’émission de mini-BOTs comme la première étape vers l’établissement d’une monnaie parallèle préparant l’Italie à une sortie de la zone euro. »
Le gouvernement italien, composé d’une coalition fragile de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, compte-t-il réellement quitter l’euro? Les Italiens sont majoritairement pour garder la monnaie commune, surtout les petits patrons du nord, qui forment une partie importante de l’électorat du parti de Matteo Salvini -qui, pour mémoire, est arrivé largement en tête des élections européennes.
Hasard du calendrier ou non, le vote du parlement autorisant le test des mini-BOTs a eu lieu la même semaine où Rome a été informé que la Commission européenne proposait l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre, la fameuse procédure pour déficit excessif. Pour le gouvernement italien, cette monnaie parallèle pourrait surtout servir de levier pour mener ce nouveau bras de fer avec Bruxelles. Mais à ses risques et périls.