L’anti-conspirationnisme promu par les médias dominants n’est pas neutre idéologiquement, ce qui détermine en partie le choix de ses cibles et priorités. Selon que vous serez puissant ou misérable… Il arrive aussi que ses experts, emportés par leurs a priori personnels et le consensus politico-médiatique du moment, abandonnent toute prudence et relaient eux-mêmes une théorie du complot et son cortège de fausses informations. Exemple avec Rudy Reichstadt et Tristan Mendès France, désormais complotologues de référence du service public.
Depuis le 22 janvier, Franceinfo propose un nouveau podcast qui, selon sa présentation en ligne, « décrypte les théories du complot et l’activité de la complosphère en lien avec l’actualité ». Diffusé un vendredi sur deux, « Complorama » est animé par Marina Cabiten, rédactrice en chef chargée de l’audio numérique au sein de la maison, avec un duo de chroniqueurs permanents : Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy Watch et membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, et Tristan Mendès France, maître de conférence associé à l’université Paris-Diderot spécialisé dans les cultures numériques et proche collaborateur de Conspiracy Watch.
« Complorama » passe à la trappe le grand scandale politico-médiatique des années Trump
Le premier épisode avait pour thème « États-Unis : les complotistes et l’après Donald Trump ». Il s’agit en premier lieu d’une rétrospective des principales fausses informations et thèses conspirationnistes diffusées par le milliardaire avant et pendant son mandat, celui-ci étant assurément un généreux pourvoyeur en la matière. L’émission cherche à établir le bilan du rôle de ce « personnage essentiel de l’univers de la conspiration aux États-Unis » et se penche également sur ses soutiens issus des sphères complotistes.
Le rapport aux faits et à la vérité de Donald Trump paraît osciller entre le cynisme calculateur et la nonchalance crasse, mais le président sortant et ses partisans sont loin d’avoir eu le monopole de la mise en circulation ou de la propagation dans l’espace public de théories du complot dénuées de preuves. Dans cette catégorie, la plus marquante fut le « Russiagate ». La thèse centrale de celui-ci était l’existence d’une collusion entre l’équipe Trump et Moscou en vue de faire élire l’homme d’affaires à la présidence des États-Unis en novembre 2016. Propulsé par différentes forces traumatisées par la défaite d’Hillary Clinton, relayé massivement par les médias, le Russiagate a occupé le devant de la scène pendant la majeure partie du mandat de Donald Trump.
En plus de 24 minutes d’émission, le trio de « Complorama » n’a pas trouvé le temps de dire le moindre mot de ce qui fut pourtant, comme le rappelle le journaliste et essayiste états-unien Thomas Frank dans un article paru dans l’édition de février du Monde diplomatique, « le grand feuilleton médiatique des années Trump, le thème dominant des titres de “une”, et toujours traité à sens unique, avec des révélations accablantes à la pelle. » Pour quel dénouement ? Malgré un tapage sensationnaliste d’ampleur record et une pléthore de procureurs médiatiques sûrs de leur fait, « lesdites révélations n’ont jamais abouti. Nul n’a été poursuivi par le procureur Robert Mueller pour complicité ou conspiration avec le gouvernement russe. Et son rapport a conclu, en mars 2019 : “En définitive, cette enquête n’a pas établi que des membres de la campagne Trump ont conspiré ou se sont coordonnés avec le gouvernement russe dans ses activités d’ingérence électorale.” »
Parce qu’il y a le bon complot et le mauvais complot, merci de rappeler l’évidence qui est quel l’anticomplotisme est une des armes du pouvoir qui compte sur les plus éduqués, comme a pu l’être le complotisme pour d’autres comptant plutôt sur les moins éduqués (une bande de moins au billard). Là on passe à l’anti-anticomplotisme vu que l’anti-complotisme est déjà devenu dangereux.