Depuis plus de deux semaines, la Fonderie de Bretagne, propriété de Renault est à l’arrêt. Les employés usent du blocage pour protester contre la mise en vente du site et l’absence de dialogue avec leur direction, et s’interrogent sur l’attitude du constructeur.
« Nous les avons questionnés sur notre sort et ils n’ont pas daigné nous répondre », explique Christophe, salarié depuis une trentaine d’années à la Fonderie de Bretagne de Caudan (Morbihan), et gréviste depuis le 27 avril. Sept membres de la direction de l’usine, qui fabrique des pièces pour les châssis, les moteurs ou les boîtes de vitesse de véhicules Renault, sont alors retenus sur le site par des salariés inquiets. « On les a alors seulement bloqués ! Ils ont été retenus jusqu’à 22 heures, pas séquestrés comme on a pu le lire… », rétablit l’ouvrier sur le parking du site. Depuis ce jour, plus d’une centaine de salariés se relaient quotidiennement pour occuper la fonderie, avec un roulement bien précis. « Personnellement, j’occupe tous les jours l’entreprise. Il y a trois groupes qui se relaient : le matin de 6 à 14 heures, puis de 14 à 22 et enfin de 22 à 6, ce sont les 3 x 8 en somme ! », détaille Christophe. « Rien ne sortira de la fonderie avant que l’on puisse dialoguer avec la direction », prévient-il.
Dernier bastion d’un savoir-faire et d’une vie ouvrière séculaires dans le pays de Lorient, la Fonderie de Bretagne est l’héritière d’une tradition sidérurgique locale au passé riche. L’usine bretonne a vu son nombre d’employés divisé par trois en une trentaine d’années (340 aujourd’hui). Elle n’est malheureusement pas la seule fonderie actuellement en difficulté. Ainsi, Jinjiang FVM (127 salariés) à Villiers-la-Montagne en Meurthe-et-Moselle a été placée en liquidation le 19 avril. Dimanche 25 avril, dans l’Aveyron, une manifestation a eu lieu pour le maintien de l’emploi à la SAM (357 salariés), en redressement judiciaire depuis fin 2019 et toujours sans repreneur… La liste est encore longue car la France dénombre près de 380 fonderies sur son territoire. Le 3 mai, le ministère de l’Économie annonçait encore un nouveau prêt de 10 millions d’euros à la société Alavance, propriétaire de trois fonderies dans la Vienne et l’Indre.
Pourtant l’argent coule à flots pour l’industrie automobile
Une étude sur le secteur de la fonderie automobile en France, datant de mai 2020 et commandée par le gouvernement et la filière automobile (PFA, qui rassemble Renault, Valeo ou Michelin), estime même que dans les dix prochaines années, 40 % des emplois du secteur pourraient être amenés à disparaître… soit environ 5000 postes sur les 13 500 que comptent la filière aujourd’hui ! À Caudan, cela fait un an environ que la situation est confuse, depuis qu’un article du Canard Enchaîné a révélé que le groupe Renault comptait – déjà – se séparer du site, alors même que le constructeur au losange venait de bénéficier d’un prêt de l’État de 5 milliards d’euros et d’une aide à la relance.
De quoi déclencher une première grève et une fronde des élus. Une semaine de négociation suffit alors pour que le sort de la Fonderie de Bretagne soit préservé et qu’une revue stratégique du site soit lancée. Mais un an plus tard, le 11 mars 2021, le couperet tombe : Renault annonce officiellement vouloir rechercher un repreneur.
C’est le grand paradoxe de la situation : l’argent coule à flots pour l’industrie automobile. Outre le prêt accordé à Renault, un plan de 8 milliards d’euros va soutenir le secteur, qui bénéficiera aussi de nouvelles aides prévues par le plan de relance. Un « comité stratégique de la filière automobile » a même été créé, avec un casting de choix affiché fièrement par le gouvernement : quatre ministres, deux patrons de l’industrie et un budget de 50 millions d’euros annoncé le 26 avril, la veille de l’occupation de la Fonderie de Bretagne, dont 20 millions versés par les constructeurs pour aider les employés licenciés à se reconvertir. Si la question des fonderies y est abordée, c’est l’absence de perspectives qui a décidé les employés de celle de Bretagne à relancer une grève.