La ministre de la Santé a pris le temps d’expliquer sa décision avant de sortir du bois. Elle n’a pas dévié de sa position depuis que la Haute Autorité de santé s’est prononcée. Pour accompagner les patients et les laboratoires, le délai est fixé à 2021, avec un déremboursement partiel dans l’intervalle.
L’homéopathie sur prescription, c’est bientôt fini. Emmanuel Macron a finalement opté pour un déremboursement des petits granules blancs, comme « Les Echos » l’ont révélé ce mardi. Pressée par ces révélations, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a décidé de monter au front pour défendre la décision, après avoir annoncé la fin totale du remboursement par la Sécurité sociale à partir de 2021.
Dans l’immédiat, Agnès Buzyn prévoit une « période de transition » d’un an, qui permettra d’« accompagner les patients » et « laissera aussi le temps aux industriels de s’organiser ». « À partir du 1er janvier 2020, nous mettons donc en place une année de remboursement intermédiaire à 15 %, contre 30 % aujourd’hui », précise-t-elle, dans une interview publiée mardi sur le site du « Parisien ».
Indolore pour la plupart des patients
Ce déremboursement partiel devrait être relativement indolore pour la plupart des patients, car les complémentaires santé prendront le relais du financeur public. « La décision a été arbitrée depuis longtemps. Depuis le début, il y avait une envie de suivre l’avis de la Haute Autorité de santé, la question c’était plutôt le rythme du déremboursement et l’impact sur les industries de santé », explique-t-on au sein de l’exécutif.
Agnès Buzyn, une ancienne présidente de la HAS qui a foi dans la science, avait saisi en août 2018 l’autorité indépendante pour examiner l’efficacité thérapeutique de l’homéopathie. Elle avait alors promis qu’elle suivrait son avis. La ministre de la Santé n’a pas dévié de cette position, même si Emmanuel Macron a demandé des compléments d’information avant d’arrêter une décision.
« On avait le temps, personne ne va mourir d’ici au déremboursement », minimise-t-on dans l’entourage d’Agnès Buzyn, en expliquant qu’elle « n’a pas envisagé de faire marche arrière » et qu’elle voulait « prendre du temps pour expliquer pourquoi cette décision est importante, pourquoi ce n’est pas du mépris envers les Français très attachés à l’homéopathie ». Ces traitements ne seront pas interdits, juste déremboursés, insiste-t-on au gouvernement.
Inquiétude chez Boiron
De Boiron à Lehning ou Weleda, les laboratoires ont invoqué des conséquences économiques « désastreuses ». Chez Boiron, le champion mondial tricolore de l’homéopathie, qui menace de supprimer 1.000 emplois sur 2.500 en France si l’homéopathie n’est plus prise en charge, on dénonce une « décision incompréhensible » et « incohérente ». Ses représentants ont demandé à être reçus par Emmanuel Macron « en urgence ».
Le cours de Bourse a chuté de près de 50 % en un an. « Nous n’avons pas été informés et nous sommes traités comme les derniers », s’émeut un porte-parole. La société réalise 60 % de son chiffre d’affaires en France, et sur ces 360 millions, 70 % donnent lieu à un remboursement par la Sécurité sociale, soit 252 millions. « En cas de déremboursement total, nous allons perdre les trois quarts du chiffre d’affaires remboursé », estime le laboratoire.
« Pas un bon signe »
Gérard Raymond, le nouveau président de France Assos Santé, qui fédère diverses associations de patients, craint une réaction négative du côté des Français : « Maintenant, il va falloir se retrousser les manches pour que la confiance perdure, et pour expliquer aux Français pourquoi les médecins ont prescrit des choses qui ne valaient rien », lâche-t-il avec un brin d’amertume.
La recommandation scientifique de la HAS n’est pas critiquable, ajoute-t-il, mais la décision gouvernementale de dérembourser « n’est pas un bon signe » selon lui : « Cela peut jeter le discrédit sur tous les traitements non médicamenteux, alors que l’on sait que pour les pathologies chroniques, la compréhension et la bienveillance sont parfois plus importantes, voire tout aussi efficaces que la molécule prescrite. »