Gilets Jaunes : quels débouchés politiques suite aux européennes ?


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Un mouvement trans-partisan… et apolitique ?

Comme chacun sait, le point de départ du mouvement des gilets jaunes est la hausse des taxes sur le carburant qui a réveillé une partie du peuple français et amené celui-ci à se mobiliser sur des revendications beaucoup plus larges par la suite.

Comme bien souvent dans l’histoire des révoltes et révolutions, les acteurs à l’origine de l’embrasement ne sont pas politisés et encore moins des militants politiques. Ni Eric Drouet, ni Jacline Mouraud n’ont de cartes au Nouveau Parti Anticapitaliste, à la France Insoumise ou au Rassemblement National. Une révolte est par essence quelque chose de spontané et d’imprévisible, à laquelle les organisations d’opposition, populistes ou même révolutionnaires finissent par se raccrocher avec un temps de latence plus ou moins impressionnant.

Pour étayer ce propos on peut notamment mentionner l’attitude d’un Jean-Luc Mélenchon qui refusait de prendre position à l’aube du mouvement avant de tomber finalement amoureux d’Eric Drouet quelques semaines plus tard. On peut aussi noter l’absence des antifas et autres black blocks dans les rangs des gilets jaunes lors des premiers actes pour finalement les inondés progressivement à partir de janvier 2019. Participant de se fait, au même titre que la répression du mouvement, au remplacement du slogan « La police avec nous ! » par l’habituel « Tout le monde déteste la police ! ».

Les gilets jaunes de la première heure qui constituent la base du mouvement forment un groupe hétérogène composé d’individus se définissant souvent comme étant apolitiques. Cette hétérogénéité réside dans un mélange d’abstentionnistes et de votant allant de la FI au RN en passant même par des déçus de Macron. Mais le point commun de tout ces gens venus d’horizons politiques divers est la volonté de faire corps, par delà les clivages et la politique politicienne, contre un pouvoir qui les écrase. Le gilet jaune devient le signe de ralliement de tous ceux qui se sentent victimes du matraquage fiscale et de la déconnexion des élites avec leurs réalités. Cette large classe populaire et moyenne, périphérique, en voie de déclassement et d’abandon, prend bien soin de mettre de côté tout ce qui pourrait la diviser. L’objectif est d’unir l’ensemble du peuple. Pendant que la gauche prend de haut ce mouvement qu’elle soupçonne de « fascisme » ou d’être « d’extrême droite », les gilets jaunes appellent en vain tout le peuple à les rejoindre, des forces de l’ordre aux quartiers issus de l’immigration dit « populaires ».

Cette volonté de dépasser les clivages politiques traditionnels et d’unir le peuple sur des revendications simples et consensuelles est ce qui a fait la force de ce mouvement. Augmentation des salaires, baisse des taxes sur les carburants et les produits de premières nécessité, instauration d’une véritable démocratie par le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC), voici les mesures sur lesquelles les gilets jaunes se retrouvent. Des demandes qui ne font pas débat au sein du peuple où leur bien fondé et leurs bénéfices sont une évidence. Le caractère trans-partisan du mouvement est aussi ce qui explique son absence de débouchés dans le système politique actuel et donc l’absence de conséquences dans les urnes.

Aucun impact Gilet Jaune lors des élections européennes 2019

Alors que le mouvement perd de l’ampleur avec une mobilisation en baisse d’acte en acte, la politique politicienne reprend le devant de la scène médiatique à l’approche des élections européennes. Pendant que Macron joue la carte du duel avec le RN, représentant encore une fois le péril fasciste à éviter à tout prix, les gilets jaunes comptent bien infliger une lourde sanction à La République en Marche (LREM) en s’emparant du scrutin avec un mot d’ordre : « Tout sauf Macron ! ». Bien conscient que toute autre consigne de vote ferait voler en éclat cet élan de fraternité trans-partisanne.

Résultat des courses, une hausse notable de la participation et une répartition des votes semblable au premier tour des présidentielles. Après sept mois de mobilisation sans précédent, la situation politique est figée à quelques détails près et force est de constater que les gilets jaunes n’ont eu aucun impact sur le scrutin. Ce peuple si enthousiaste à se rassembler et à refaire société sur les ronds points et dans les manifestations est incapable de se faire entendre dans notre système dit démocratique.

Le principal fait marquant des élections européennes 2019 est l’effondrement du parti Les Républicains, ex-UMP, qui tombe à 4% du corps électoral (Je choisis ici de ramener les résultats au nombre d’inscrits car le fait qu’un français sur deux ne se soit pas déplacé est révélateur de l’impasse dans laquelle se trouve notre parodie de démocratie). Le parti qui rassemble d’habitude l’électorat de droite a été pris en tenaille par le duo médiatique LREM-RN qui sont arrivés en tête avec 11% des votants potentiels. Ainsi, les deux principales forces politiques ont un positionnement de droite sur la question économique, privilégiant le capital au travail. Elles se différencient cependant sur le plan sociétal. On a d’un côté LREM, l’alliance des nouvelles bourgeoisie de droite et de gauche, intégrant l’idéologie progressiste venu du Parti Socialiste. C’est le parti des grandes métropoles, des start-up et de la mondialisation heureuse. De l’autre côté on a le RN, qui incarne de plus en plus la droite conservatrice, fruit d’une alliance entre bourgeoisie traditionnelle et peuple périphérique en insécurité culturelle et sociale cherchant à se rassembler sur les idées de souveraineté et d’État Nation.

Et la gauche dans tout ça ? Divisée sur la ligne de départ, son électorat s’est réparti sur de nombreuses listes, la faisant jouée les seconds rôles. Europe-Ecologie-les-Verts s’en sort bien avec l’appui de la jeunesse des métropoles et un score de 6,5%. Ce vote est une alternative au vote Macron qui permet de ménager sa conscience, mais pour un résultat similaire car il s’agit d’une écologie inoffensive, favorable au libre échange et à l’Union Européenne. La grosse désillusion est pour la FI réunissant seulement 3% des électeurs potentiels. La gauche, fracturée sur la question de l’Europe, ne peux pas s’unir. Sa partie libérale pro-maastricht finira par rejoindre LREM si ce n’est pas déjà le cas. Pour le reste, les hésitations entre stratégie populiste et tentatives d’union des gauches ainsi qu’un discours idéologique sur les questions sociétales continuerons de l’écarter de l’électorat populaire qui se sait trahi depuis bien longtemps.

Comment faire entendre la voix du peuple ?

Dans cette situation de blocage politique et de crise sociale intense, la question des débouchés se pose. Car quelques soient les nouvelles alliances électorales envisagés, aucune ne semble pouvoir rassembler largement le peuple et aucune ne sera à même de servir d’autres intérêts que ceux de l’U.E et de la finance mondialisée.

L’union des droites conservatrices et populistes qui semble se dessiner, avec le ralliement d’une parti des républicains au RN serait susceptible de battre Macron. Mais il s’agit en réalité d’une roue de secours pour le système de domination en place car une telle force politique exacerberait les conflits sur des sujets tel que l’islam et l’immigration, ou même sur l’avortement pour mieux éviter de changer quoi que ce soit aux injustices sociales et économiques. Un peu à la manière du Parti Socialiste de Hollande qui c’est empressé d’instaurer le mariage pour tous en arrivant au pouvoir après avoir promis de lutter contre la finance.

L’alliance la plus solide sur le plan électoral reste celle des libéraux incarnés par Macron et qui peut s’étendre à toutes les forces de gauche comme de droite qui ne remettent pas en cause l’Europe de Maastricht. Or c’est bien ce pouvoir contre lequel se battent les gilets jaunes depuis des mois avec une grande solidarité. Le peuple c’est déjà unifié dans la rue, Autour du RIC, de la hausse des bas salaires et de la baisse des taxes injustifiés. Il s’est uni par la volonté de reprendre la parole et le pouvoir de décider par lui même et pour lui même.

L’alternative politique au pouvoir totalitaire du marché et de l’U.E apparaît alors de manière évidente. Il s’agit d’une alliance de circonstances de tous les souverainistes et démocrates afin de redonner les pleins pouvoirs au peuple. Ce positionnement plaçant le RIC et la souveraineté au centre du débat dépasse les clivages gauche/droite, progressiste/conservateur, capitaliste/socialiste ou encore mondialiste/nationaliste. C’est la seule alternative crédible pouvant s’opérer dans le cadre des institutions. Bien sûr le pouvoir fera tout pour empêcher une telle alternative se constituer, il cherchera à diviser comme il l’a toujours fait. La spirale de révolte et de répression dans laquelle nous sommes embarqués ne pourra alors que s’aggraver jusqu’à ce qu’un camp prenne définitivement le dessus sur l’autre.

C’est pourquoi l’action des gilets jaunes est salutaire et doit se poursuivre. Manifestations non déclarées, désobéissance civile, sabotages, ouvertures de péages, ateliers constituants, organisations de RIC sauvages… autant d’actions qui instaurent un nouveau rapport de force et qui permettent au peuple de se rassembler autour des sujets fédérateurs que sont la démocratie et la souveraineté.

Cet article a été proposé par Léo Brisot. Vous aussi, proposez-nous un article !

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Bakloe
4 années il y a

J’ai un gros doute sur le taux de participation à ces élections et les calculs sont faussés dès lors que les votes blancs ne sont pas comptabilisés.

gael45
4 années il y a

bravo aux gilets jaunes

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