La fusillade de Strasbourg intervient dans un contexte politique et sécuritaire particulier marqué par des rassemblements et des manifestations de «gilets jaunes» dans tout l’Hexagone depuis plusieurs semaines.
Dès mardi soir, certains d’entre eux ont évoqué sur les réseaux sociaux la possibilité d’un complot visant à les empêcher de manifester ou à détourner l’attention de l’opinion publique. Une thèse complotiste vivement dénoncée par de nombreux autres «gilets jaunes» qui rappellent sur ces mêmes réseaux sociaux leur attachement à la lutte contre le terrorisme islamiste.
Qu’est-ce que le plan «Urgence attentat»?
La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a déclaré ce mercredi que la France pouvait «réagir» après la fusillade «sans avoir à déclencher l’état d’urgence». Alors que l’assaillant est toujours en fuite, le ministère de l’Intérieur a en revanche placé le plan Vigipirate à son plus haut niveau, celui d’«Urgence attentat», qui existe depuis une réforme de novembre 2016. Ce stade ultime, qui concerne l’ensemble du territoire, comprend des «mesures exceptionnelles pour prévenir tout risque d’attentat imminent ou de sur-attentat», selon la place Beauvau. Ces mesures sont adaptées en fonction de chaque attaque et leur durée est limitée à celle de la crise.
À l’inverse, le niveau d’en dessous dit «Sécurité renforcée risque d’attentat», qui était appliqué encore mardi, n’a pas de limite de temps définie. En l’espèce, le plan «Urgence attentat» passe par un renforcement des contrôles aux frontières (notamment vu la proximité du lieu de l’attaque avec l’Allemagne) et dans les marchés de Noël (cible de la fusillade), a annoncé ce mercredi matin sur France Inter le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, qui a déclaré que le renforcement du dispositif militaire «Sentinelle» faisait aussi partie des réponses, sans préciser pour l’instant le niveau de celui-ci.
Y aura-t-il un impact pour d’éventuelles manifestations de «gilets jaunes»?
Le secrétaire d’État a par ailleurs exprimé son indignation quant aux thèses complotistes et a précisé les effets possibles en matière sécuritaire de cette fusillade sur le mouvement des «gilets jaunes». À la question d’une journaliste lui demandant si «toute forme de manifestations serait interdite», celui qui était auparavant directeur général de la Sécurité intérieure a répondu catégoriquement: «Non, nous n’en sommes pas là. Nous demandons en revanche (aux gilets jaunes) de déclarer leurs demandes de manifestation auprès des préfectures. D’une manière générale, nous leur demandons de s’inscrire dans la phase de concertation» ouverte par l’allocution, lundi à la télévision, du président de la République, Emmanuel Macron. Le message est donc clair: à l’échelle nationale, la fusillade à Strasbourg n’obère pas la possibilité pour les «gilets jaunes» de manifester ou de se rassembler sur les routes de France. La nécessité de déclarer en préfecture des manifestations n’est pas nouvelle: depuis le début de la crise des «gilets jaunes», les autorités rappellent que cette exigence légale permet aux forces de sécurité d’anticiper la sécurisation des lieux de rassemblement.
En revanche, la préfecture de la région Grand Est a pris ce mercredi matin un arrêté concernant la seule commune de Strasbourg: «tout rassemblement statique ainsi que toute manifestation sont interdits jusqu’à nouvel ordre sur l’ensemble du territoire de la commune de Strasbourg». C’est jusqu’à maintenant la seule limite réglementaire posée au mouvement des «gilets jaunes».
Quelle sera la réaction des «gilets jaunes»?
Sur Facebook et sur la page de l’événement «Acte 5 – Macron démission» auquel près de 10.000 internautes disent vouloir participer – plus de 63.000 se disent pour leur part «intéressés» -, les réactions sont nombreuses, certaines évoquant un complot ou un simple fait divers qui ne nécessiterait pas le qualificatif d’attentat. «Ça sent le couvre-feu», dit l’un. D’autres réprouvent ces interprétations. «Please , arrêtez avec vos messages complotistes , vous savez très bien que ça décrédibilise le mouvement .. #tousunis», écrit l’un d’eux. «+1 …là on passe pour des cas sociaux», ajoute un autre. Un argument qui est loin de convaincre tout le monde: «Nan juste pour un cerveau qui réfléchit et qui n’est pas conditionné par le système. Penser que c’est un radicalisé qui a fait sa t’es un cas soc oui.. surtout la concomitance!! C’est sa qui interpelle!».
En tout état de cause, parmi les internautes prenant la parole (ce qui n’est donc pas représentatif de l’ensemble), l’écrasante majorité appelle à ne pas arrêter le mouvement et à venir manifester samedi à Paris. «Tous unis SAMEDI c’est au gouvernement a GERER SON PAYS ENTIER», peut-on lire par exemple. La page «Strasbourg se soulève», créée avant l’attaque de mardi, a même créé un nouvel événement «MARCHE SILENCIEUSE», qui ne compte en revanche que huit «participants» pour l’instant. «Marche silencieuse au départ du parlement Européen [à Strasbourg donc] – Macron est incapable de gouverner et incapable de protéger son peuple! Nous exigeons – de répression et + de protection!», peut-on lire dans la description.