Ce leader connu du mouvement est poursuivi pour «organisation de manifestations sans déclaration préalable». Il encourt six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. Son avocat estime qu’il a été arrêté «arbitrairement», pour des «motifs politiques».
Semaine chargée en rendez-vous judiciaires pour les «gilets jaunes». Alors que l’ex-boxeur Christophe Dettinger vient d’être condamné à de la prison ferme pour avoir frappé des gendarmes le 5 janvier dernier, une autre figure bien connue du mouvement, Eric Drouet, comparaît ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris. Le chauffeur routier de Seine-et-Marne est jugé pour l’«organisation sans déclaration préalable» de deux manifestations, le 22 décembre – l’acte VI des «gilets jaunes» lors duquel il avait déjà été interpellé – et le 2 janvier. Il encourt six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. Le parquet a demandé le renvoi de l’audience, auquel s’est opposé l’avocat d’Eric Drouet, Me Lara. Après une courte suspension d’audience, l’affaire a été retenue.
Le point de départ de cette affaire remonte au 2 janvier dernier. Ce jour-là, Eric Drouet est arrêté alors qu’il tente de rejoindre les Champs-Élysées. Le lendemain, à sa sortie de garde à vue, le père de famille de 33 ans dénonce une interpellation «politique» et se défend d’avoir appelé à manifester. «Ce n’est pas moi, c’est une page, il y a mon nom inscrit nulle part et malgré ça, on essaie de nous mettre sur le dos des inculpations. On essaie de nous mettre l’organisation d’une manifestation non déclarée, alors que là, ça n’avait rien d’une manifestation, c’était un rendez-vous au restaurant», avait-il martelé. Pourtant, quelques heures avant d’être interpellé, Éric Drouet déclarait dans une vidéo diffusée sur Facebook: «Ce soir, on va pas faire une grosse action, mais on veut choquer l’opinion publique. Je sais pas s’il y en aura qui seront avec nous sur les “Champs” (…) On va tous y aller sans gilet».
Personnage « fascinant » et controversé
À l’occasion de ce procès, le tribunal devrait se pencher sur la personnalité de ce médiatique prévenu. Eric Drouet est un des initiateurs de la première mobilisation nationale des «gilets jaunes» le 17 novembre. C’est lui qui avait créé l’événement Facebook «Blocage national contre la hausse des carburants». Au fil des semaines, il est devenu l’un des visages les plus connus de ce mouvement de contestation qui dure depuis trois mois et représente la plus grave crise du mandat d’Emmanuel Macron. Lui se défend d’être un leader mais ses prises de parole pèsent dans la contestation et renforcent sa popularité, y compris auprès du chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon qui se dit «fasciné» par Eric Drouet. Mais c’est aussi un personnage controversé. Il a été accusé d’appeler au putsch lorsque, lors d’un débat où on lui avait demandé ce qu’il comptait faire si la manifestation arrivait devant l’Élysée, il avait répondu: «On rentre dedans». Des propos qu’il avait relativisés dès le lendemain.
Son interpellation début janvier avait eu pour effet de réactiver le mouvement et avait provoqué l’indignation de responsables politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par le centre. «Abus de pouvoir. Une Police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement gilet jaune», a tweeté Jean-Luc Mélenchon. Hervé Morin, le président des Centristes, a taxé le gouvernement d’«amateurisme» et l’a appelé à «sortir de l’arrogance et du mépris» vis-à-vis des «gilets jaunes». Son avocat a dénoncé une arrestation «arbitraire», pour des «motifs politiques».
Le gouvernement, qui veut faire voter une loi «anticasseur» prévoyant notamment des interdictions administratives de manifester, a défendu l’interpellation du routier au nom de l’État de droit. «Quand quelqu’un organise une manifestation alors qu’elle n’est pas déclarée, c’est qu’il ne respecte pas l’État de droit», a estimé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.