Comment l’État engage des contractuels sous-payés pour masquer la déliquescence de l’école publique


Par Pierre Jequier-Zalc pour Bastamag

Les contractuels, professeurs non-titulaires, sont devenus, au fil des ans, la variable d’ajustement des problèmes structurels de l’Éducation nationale. Une précarité qui les fragilise et nuit, parfois, à la qualité même de leur enseignement.

Ils ont raté les concours d’enseignement ou n’ont tout simplement pas envie de les passer, ils se reconvertissent sur le tard après une perte de sens dans le privé ou une mauvaise expérience à l’étranger. Parmi les quelques 35 000 enseignants contractuels dans l’enseignement secondaire public que compte l’Éducation nationale, la diversité des profils est importante. Cette main d’œuvre, souple et précaire, est devenue depuis plusieurs années indispensable au bon fonctionnement des établissements. « C’est une variable d’ajustement, très clairement. C’est grâce à eux que le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, peut dire le jour de la rentrée que tout s’est bien passé et que chaque classe avait un prof devant le pupitre », assène Danielle Arnaud, responsable des contractuels au Syndicat des personnels de l’Éducation nationale (SNALC).

Si le recours à des enseignants non-titulaires, donc non-fonctionnaires, ne datent pas d’aujourd’hui, leur part dans les professeurs du second degré a presque doublé en dix ans. Comment expliquer cette hausse, et quelles sont ses effets ? On vous explique.

« Les profs allaient être mieux formés et que la baisse de candidats ne serait que conjoncturelle… »

Ce n’est pas un scoop. Les concours d’enseignement (Capes/Agrégation) attirent de moins en moins. Même si les réalités diffèrent selon les disciplines, le constat est là : chaque année, moins de candidats tentent leur chance. Depuis quinze ans, leur nombre a presque été divisé par deux.

Une des raisons majeures réside surement dans la réforme, menée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, de la masterisation. Une réforme poursuivie et accentuée par Jean-Michel Blanquer. Auparavant, il suffisait d’une licence (BAC +3) pour s’inscrire au CAPES, désormais, il faut posséder un Master pour passer le concours à la fin de l’année du M2, soit un Bac +5. « Sur le papier, c’était très mignon, on disait que les profs allaient être mieux formés et que la baisse de candidat ne serait que conjoncturelle. Dans les faits, ça a été tout pourri » , remarque amèrement Claire Lemercier, directrice de recherche CNRS au Centre de sociologie des organisations de Sciences Po (CSO), et coautrice de La Valeur du service public, à paraître prochainement à La Découverte. « Un BAC +5 ça demande beaucoup d’investissement et d’approfondissement, ça a très certainement découragé du monde. Ceux qui ont poursuivi dans leur idée de passer les concours sont donc plutôt des gens pour qui enseigner est une vraie vocation. En parallèle, il n’y a pas eu plus de postes ouverts, et les concours sont restés exigeants. Donc pour tous ceux qui les ratent, parfois d’un rien, c’est une main-d’œuvre extrêmement qualifiée qui ne peut pas avoir le statut. Avec cette réforme, on a créé un vivier. »

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