Au détour d’une question, jeudi, le président a maintenu qu’il voulait « repenser la formation » et modifier le recrutement des énarques.
« Je souhaite que nous mettions fin aux grands corps. » On attendait Emmanuel Macron sur la suppression de l’ENA, mais, jeudi, il a aussi évoqué une autre disparition : celle des grands corps. « Pour faire la réforme que j’évoquais, il faut supprimer entre autres l’ENA (…) pour bâtir quelque chose qui fonctionne mieux », a-t-il ainsi confirmé en réponse à une question.
La « réforme » en question, c’est celle de la haute fonction publique. Une administration dont le président de la République a assuré qu’elle ne pouvait « être tenue à l’écart d’une modernisation indispensable ». Il veut changer son recrutement, parce qu’« elle ne ressemble pas à la société que nous sommes » : trop d’enfants issus de la bourgeoisie, pas assez des familles les plus modestes. Il veut « repenser la formation », souvent considérée comme « un moule à pensée unique », a-t-il reconnu, alors qu’il avait rejeté cette critique en octobre 2018. Enfin, il veut s’attaquer à la carrière des hauts cadres, notamment, donc, en « mettant fin aux grands corps ».
« Trop de monde à Paris »
Les grands corps, c’est un millier de très hauts fonctionnaires répartis au sein de l’Inspection générale des finances, la Cour des comptes, le Conseil d’Etat, les Mines et les Ponts. Pour ces deux derniers corps, il s’agit essentiellement d’élèves issus de Polytechnique. On accède aux trois premiers en figurant dans les meilleures places du classement de sortie de l’ENA.
Ce que le président de la République a toujours dénoncé. « Aujourd’hui, quand on a réussi les bons concours, on est garanti d’un succès ou d’une protection à vie, a-t-il relevé jeudi. Est-ce totalement juste ? Est-ce totalement bénéfique ? Non. » Même s’il a lui-même emprunté ce chemin en passant par l’Inspection des finances, il y voit aujourd’hui une rente indue.
« Son idée, ce n’est pas de supprimer la Cour des comptes ou le Conseil d’Etat, décrypte l’un de ses proches. Mais de faire en sorte que l’on n’accède plus à ces grands corps directement en sortant de l’ENA. Les jeunes énarques doivent débuter leur carrière par le terrain, les responsabilités opérationnelles. »
Pour le détail, cependant, il faudra encore attendre. Le président de la République a annoncé avoir demandé à Frédéric Thiriez, énarque, avocat auprès du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes et ancien président de la Ligue de football professionnel, de faire des propositions. La réforme de la haute fonction publique s’inscrit dans un tout : jeudi soir, M. Macron a assuré qu’il entendait répondre au besoin de proximité exprimé par les Français. « L’Etat doit repenser son action sur le terrain », a-t-il dit. « Nous avons trop de monde à Paris qui prend des décisions ou décide des règles sans jamais voir les problèmes ou les gens », a-t-il déploré en annonçant : « Je veux que l’on remette plus de fonctionnaires sur le terrain qui apportent des solutions et qu’on supprime plus de postes en administration centrale. »