Salaire unique ou « salaire au besoin » : une coopérative boulangère repense la notion de rémunération


Par Barnabé Binctin pour Bastamag

Une boulangerie en coopérative a imaginé une façon inédite de concevoir sa grille salariale, en expérimentant le « salaire au besoin » Après six mois de fonctionnement, les salariés livrent un premier bilan contrasté, étonnant et riche d’enseignements.

Que doit rémunérer le salaire ? La stricte part de l’effort productif ? Ou bien doit-il intégrer les conditions sociales d’existence du travailleur ? C’est à ces questions, pour le moins fondamentales, auxquelles des boulangers grenoblois se sont frottés. Ils ont eux-mêmes tenté une expérimentation inédite : le « salaire au besoin ».

Jusqu’alors, la boulangerie Le Pain des Cairns – une coopérative ouvrière – fonctionnait sur un principe simple : le salaire unique. Tous les salariés y travaillent à la fois comme boulanger et comme vendeur, chacun étant appelé à effectuer les mêmes tâches – en proportions égales, autant que possible – assurant ici le service au comptoir, là différentes missions administratives, quand les mains ne sont évidemment pas occupées à préparer le levain ou à surveiller la cuisson. Chacun des boulangers coopérateurs touchait donc le même salaire, 1600 euros net, auquel s’ajoutent diverses primes au cours de l’année.

Ouvert en 2014 dans le quartier populaire de Saint-Bruno, le Pain des Cairns s’est vite distingué par la qualité de son pain : ici, tout est bio et sans additif, les taux de sel sont en-dessous de la moyenne, on travaille au levain, à partir de différentes farines locales de blé, de seigle, de petit épeautre ou de khorasan (une variété ancienne de blé), réapprovisionnées toutes les semaines par des meuniers de la région (dans un rayon de 200 kilomètres maximum).

Une boulangerie en coopérative et au fonctionnement horizontal

La boulangerie est aussi connue pour son organisation ambitieuse du travail, tendance autogestion, qui lui a notamment valu de passer en Scop (Société coopérative ouvrière de production) en juin 2018. Comme les coopérateurs le rappellent volontiers lors des pauses déjeuners collectives, « faire du bon pain en exploitant le boulanger, ça n’a pas de sens ! ». On y applique donc les principes de la gouvernance partagée inspirés de la sociocratie, sans chef ni vote puisque toutes les décisions sont prises au consentement.

C’est dans ce contexte d’horizontalité qu’a ainsi pu s’envisager la problématique du salaire au besoin. À l’été 2020, Gilles, l’un des boulangers, exprime l’envie – ou plutôt, la nécessité – d’augmenter ses revenus. À 49 ans, ce père de 3 enfants voit sa fille aînée de 18 ans entrer en classes préparatoires à Lyon. Or les études, et l’appartement qui va avec, coûtent cher. Le sujet est mis à l’agenda d’une grande discussion collective entre les coopérateurs… qui se retrouvent confrontés à de sacrés questionnements.

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