Des historiens de l’environnement ont analysé les réactions de la compagnie pétrolière face au réchauffement climatique pendant un demi-siècle. Ils estiment que Total a semé des doutes sur la légitimité des sciences du climat pendant des décennies et ainsi contribué à retarder les politiques climatiques.
Ils ont décortiqué un demi-siècle d’archives au siège de la compagnie Total dans le quartier d’affaires de la Défense près de Paris et mené des entretiens avec d’anciens cadres. Si plusieurs études ont déjà analysé la stratégie des géants pétroliers comme ExxonMobil et Royal Dutch Shell, c’est la première fois que les historiens de l’environnement examinent le cas de Total, quatrième compagnie pétrolière et gazière du monde en terme de capitalisation boursière.
Les auteurs de cette étude, deux historiens et un sociologue, disent vouloir ainsi « contribuer à la littérature sur l’effort global déployé au cours des cinquante dernières années par l’industrie des combustibles fossiles pour produire de l’ignorance, semer des doutes sur la légitimité des sciences du climat et lutter contre les réglementations ».
Une véritable conscience du problème
Dans cet article publié dans le « Global Environmental Change », ils décrivent comment la multinationale, qui a fusionné avec Elf en 1999, était au courant de la contribution des énergies fossiles sur le réchauffement climatique dès les années 1970. L’étude cite notamment un article assez alarmant sur le réchauffement climatique publié en 1971, dans le magazine de l’entreprise, « Total information ». En voici un extrait :
« Depuis le XIXe siècle, l’homme brûle en quantité chaque jour croissante des combustibles fossiles, charbons et hydrocarbures. Cette opération aboutit à la libération de quantités énormes de gaz carbonique […]. La quantité globale de gaz carbonique présente dans l’atmosphère augmente de façon sensible […]. Si la consommation de charbon et de pétrole garde le même rythme dans les années à venir, la concentration de gaz carbonique pourrait atteindre 400 parties par million (ppm) vers 2010 […]. Cette augmentation de la teneur est assez préoccupante. Un air plus riche en gaz carbonique absorbe donc davantage de radiations et s’échauffe davantage. »