Le mouvement des Gilets jaunes est parti d’une étincelle, l’augmentation du prix du carburant pour lutter prétendument contre le réchauffement planétaire. Une sur-augmentation par rapport à l’augmentation constante du prix à la pompe, théoriquement calculé par les économistes gouvernementaux en fonction du prix du brut. Qui ne cesse pourtant de stagner, voire de descendre.
Le schéma montre bien le parallèle (entre les deux prix) globalement respecté mais avec une énorme marge (la hauteur) qui représente la somme des taxes perçues par l’Etat. Seule la « transformation » (en bleu) assurée par le secteur des raffineries et incluant le transport justifie un premier écart de prix. Mais cet écart n’excède pas 50% par rapport au prix du brut : à un litre de brut valant 30 centimes en 2018 correspond un litre de gazole à 50 centimes, soit moins du double. A la pompe, le consommateur français paye entre 1€30 et 1€50 selon les distributeurs, soit 400% d’augmentation par rapport au brut.
L’Etat prélève de très fortes taxes sur le carburant qui constitue pour beaucoup de nos concitoyens une dépense incompressible puisqu’elle assure le transport jusqu’au lieu de travail, particulièrement hors des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Lille) plutôt bien desservies en transports en commun. Les chauffeurs de toutes sortes sont visés au premier chef par les augmentations exponentielles annoncées par le gouvernement Philippe. Et le schéma pour les décennies qui arrivent n’est pas rassurant.
Le prix du brut reste relativement stable, mais le prix à la pompe risque de grimper à des niveaux vertigineux pour, selon nos dirigeants soudainement eco-responsables, réduire les émissions de CO2 et sauver la planète. Est-ce la raison de tout le cirque récent autour du « réchauffement », un « réchauffement » qui continue pourtant à faire débat chez les scientifiques ? Et dont les principaux producteurs, Chinois et Américains, qui réactivent leurs mines de charbon, ne veulent pas entendre parler ? La France, un des meilleurs élèves en Europe du point de vue du respect de l’atmosphère, se retrouve par magie en première ligne de la répression fiscale.
Y a-t-il un calcul caché du gouvernement ? Un prétexte écologique pour lever un nouvel impôt vert, qui serait bienfaisant et en conséquence incritiquable ?
Les Gilets jaunes le pensent, car leur mouvement spontané qui a fait son apparition sur les ronds-points a mis hors d’état de nuire plus de 1000 radars qui symbolisent la répression fiscale d’Etat. Les autres symboles qui ont fait les frais de la colère populaire sont les malheureux péages qui symbolisent à tort ou à raison le racket privé. Les images impressionnantes au plus fort de la colère (le samedi 1er décembre) d’un bulldozer jetant une voiture en flammes jetée contre un péage ont faire le tour du monde.
La colère jaune qui fait écho à la colère sourde de beaucoup de Français, puisque le mouvement bénéficie d’un soutien majoritaire dans l’opinion malgré la contre-attaque des médias appartenant à des grands groupes industriels (la plupart pour ainsi dire), s’est dirigée contre tous les dispositifs qui réduisent le niveau de vie. Payer 50 ou 100 euros de carburant en plus par mois perturbe pour des millions de Français l’équilibre fragile de la gestion familiale : un ménage sur quatre ne boucle pas ses fins de mois et vit donc à crédit et à découvert, subissant les foudres des banques. Une pression et un stress qui ne peuvent être combattus que par le haut. Et le haut, ce sont les puissances économiques décisionnaires, qu’elles soient d’ordre public ou privé.
En s’attaquant aux péages, les Gilets jaunes ont visé les grandes sociétés autoroutières car l’Etat a cédé la gestion du parc autoroutier au secteur privé dans un dossier hautement symbolique, celui de la cession du bien public. Les journaux qui dénoncent avec raison la dégradation des biens publics (par exemple les bouches d’incendie dans les quartiers en période de canicule) par les « jeunes » (qui vivent déjà dans un « bien » dégradable) sont moins enclins à dénoncer la découpe de pans entiers du bien public, c’est-à-dire du patrimoine national bâti par les Français et entretenu par leurs impôts. La ressource publicitaire bâillonne en premier lieu l’information. Ce sont donc les grandes entreprises qui « entretiennent » la presse. La boucle est bouclée, et le peuple enfermé dans un cercle vicieux.
Le libéralisme économique dévore les meilleurs morceaux de l’économie française et recrache les moins bons, ceux qui sont considérés comme peu rentables. Ainsi l’Etat s’appauvrit et se retrouve à devoir gérer la casse sociale pendant que les multinationales s’enrichissent. A un moment donné, ce transfert de richesses sous la responsabilité d’élites politiques forcément complices se voit : la France se tiers-mondise au profit d’entités financières aveugles, inhumaines, violentes.
Bandol Fermeture de l’autoroute sous prétexte qu’on ne peut plus percevoir le péage, c’est là qu’on va comprendre ce que signifie privatisation : pouvoir arrêter toute circulation sur un moyen de transport public parce qu’on le possède.
— Campagnol (@CampagnolTVL) 18 décembre 2018
Vinci Autoroutes explique qu' »il s’agit juste d’appliquer une procédure de régularisation » et que les conducteurs ne se verront pas infliger de »pénalités ». L’entreprise compte identifier les usagers passés sans payer à l’aide des caméras de surveillance installées sur les péages et les relancer par courrier postal. Les sociétés d’autoroutes ont en effet accès au fichier des plaques d’immatriculation du ministère de l’Intérieur. (francetvinfo)
Rassurant ! Le groupe Vinci a décidé de faire payer les automobilistes passés outre dans leurs péages « libérés », mais le gouvernement a refusé cette sanction et le groupe s’est couché. Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux n’en a pas moins annoncé que l’ensemble des contribuables payerait l’addition. Dire que Vinci voulait même fermer des autoroutes… Voilà qui va grandement améliorer l’image de l’entreprise.
Ainsi, en augmentant de manière suspecte le prix de l’essence, l’Etat s’est mis à dos les « ménages fragiles », 5,3 millions de personnes situés dans les territoires industriels ou post-industriels. Cette statistique sociologique explique la présence de femmes, dont beaucoup de mères seules, aux points de blocage par des températures hivernales, de jour comme de nuit.
Les sociétés d’autoroute lèvent un impôt démesuré par rapport au service apporté, l’état général du réseau se dégradant sous l’effet de la rentabilisation financière : le profit n’est pas réinvesti dans la réfection ou la construction, mais englouti par les actionnaires invisibles et inconnus du grand public. Ce schéma s’applique à la plupart des secteurs économiques non protégés. Et les gouvernements depuis 30 ans, qu’ils soient de droite ou dits de gauche (Jospin 1997-2002) se sont évertués à privatiser, y compris des secteurs stratégiques (électricité, nucléaire), aiguisant les appétits des « investisseurs » que la presse économique présente toujours comme une chance pour la France.
Qui croit aujourd’hui qu’investissement rime avec emploi ?
De la guerre économique à la paix économique
Les serviteurs de l’Etat ont trahi les Français en abandonnant sous le manteau la gestion des autoroutes à des groupes privés qui rançonnent les Français, réinventant le « tonlieu », ce droit de passage moyenâgeux. « Gabelle », « grand péage », « octroi » reviennent dans l’actualité. Les multinationales qui font la pluie et le beau temps à Bruxelles sont les nouveaux seigneurs, et les peuples qui se croient libres dans les démocraties avancées en sont les nouveaux serfs. La religion de l’argent roi a dompté la démocratie et il faut beaucoup d’imagination aux journalistes, politiciens et lobbyistes qui incarnent ce système diabolique pour faire avaler aux nouveaux serfs qu’ils tombent des nues quand le capitalisme financier brûle une usine, une ville, une région.
Le pouvoir est passé des mains de l’Etat à celui des multinationales, la preuve en est le piteux discours du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, après la fermeture brutale de l’usine Ford de Blanquefort. Bruno a découvert l’Amérique…
Le 21 septembre Bruno rêvait encore :
Le 13 décembre Bruno ne rêve plus :
Mais Bruno s’en remettra, sa reconversion est assurée :
A priori, ministre des finances, ça laisse encore du temps pour écrire. On va voir ce que ça donne. pic.twitter.com/5T7NWei39A
— Eugénie Bastié (@EugenieBastie) 18 décembre 2018
La France est devenue la France parce qu’un roi, Louis IX, a décidé il y a presque mille ans de mettre au pas les seigneuries et de les rassembler pour les dominer. Il a neutralisé cette concurrence qui affaiblissait le pays pour créer un ensemble plus grand, plus fort. Qui mettra au pas les multinationales et qui imposera la paix économique que tout le monde attend ?