Du début des années 1970 à 1993, les planteurs de bananes de Martinique et de Guadeloupe ont eu recours massivement au chlordécone pour lutter contre un ravageur. Pourtant, dès 1979, l’OMS avertissait de la dangerosité de ce produit. Sur place, des mouvements populaires réclament justice depuis des années.
Le 16 juillet dernier, Keziah Nuissier, un jeune homme de 21 ans, était passé à tabac par les forces de l’ordre à Fort-de-France, en Martinique, alors qu’il manifestait contre la répression du mouvement anti-chlordécone. Dans un autre article, Reporterre vous raconte cette histoire et les mensonges des gendarmes et d’un policier pour accabler le militant.
« Mais, au-delà de ce qui m’est arrivé, le point de départ de cette histoire, ne l’oublions pas, c’est l’empoisonnement massif des Antilles au chlordécone », a insisté Keziah Nuissier. Reporterre fait le point sur ce scandale sanitaire, environnemental et social encore trop méconnu dans l’Hexagone, sur les vives inquiétudes et colères qu’il suscite, et sur la répression subie par les citoyens qui osent lutter pour obtenir réparation.
Qu’est-ce que le chlordécone ?
Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé en Guadeloupe et en Martinique à partir de 1972. Cette année-là, la « commission des toxiques en agriculture » acceptait son homologation, trois ans après l’avoir rejetée à cause de la toxicité de la molécule. Jusqu’en 1993, les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique en ont été aspergées massivement pour lutter contre le charançon de la banane, un insecte qui détruisait les cultures et menaçait de ralentir une production estimée à 270.000 tonnes de bananes par an, dont 70 % sont envoyées en métropole.
L’utilisation massive de ce produit est à l’origine d’un des plus grands scandales sanitaires de ce siècle. En effet, le chlordécone est un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique — dangereux pour le système nerveux —, reprotoxique — il altère la fertilité —, et classé cancérogène « possible » dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Faisant fi de ces alertes, la France ne l’a interdit qu’en 1990. Aux Antilles, il a même été autorisé jusqu’en 1993, par deux dérogations signées, sous François Mitterrand, par les ministres de l’Agriculture de l’époque Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson.