Le boxeur qui avait affronté à mains nues plusieurs gendarmes le samedi 5 janvier est passé le mercredi 9 janvier en comparution immédiate (la justice est parfois rapide). Il a aussitôt été placé en détention préventive jusqu’à son procès fixé par le juge au 13 février. Le Gilet jaune risque sept ans de prison ferme et 100 000 euros d’amende pour « violences volontaires en réunion sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Un des gendarmes s’est vu prescrire 15 jours d’ITT.
Un internaute a eu l’idée de filmer en temps réel l’augmentation de « la cagnotte des FDO » (forces de l’ordre) et le moins qu’on puisse dire, c’est que la croissance y est très régulière, voire arithmétiquement régulière. D’après la vidéo, 20 euros de dons tombent en moyenne toutes les 4 secondes. La hausse semble régie par un métronome. De là à imaginer une cagnotte nourrie artificiellement pour faire contrepoids à l’immense élan de générosité populaire qui a rempli la cagnotte du boxeur…
La cagnotte du « Gitan de Massy » a fait couler beaucoup d’encre et la polémique a enflé : un homme qui a frappé un gendarme à terre a-t-il le droit moral de toucher de l’argent, même si la cagnotte est organisée par un proche et destinée à un défenseur ? Réciproquement, les forces de l’ordre qui n’ont pas été avares de violences depuis le début du mouvement des Gilets jaunes ont-elles elles également le droit moral de toucher de l’argent ?
Deux poids (lourds), deux mesures
Il s’avère que le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale entré en vigueur le 1er janvier 2014 concernant la « probité » (Article R. 434-9) stipule que :
Le policier ou le gendarme exerce ses fonctions avec probité. Il ne se prévaut pas de sa qualité pour en tirer un avantage personnel et n’utilise pas à des fins étrangères à sa mission les informations dont il a connaissance dans le cadre de ses fonctions. Il n’accepte aucun avantage ni aucun présent directement ou indirectement lié à ses fonctions ou qu’il se verrait proposer au motif, réel ou supposé, d’une décision prise ou dans l’espoir d’une décision à prendre. Il n’accorde aucun avantage pour des raisons d’ordre privé.
L’avant-dernier item pose un problème évident : les gendarmes ne peuvent accepter aucun avantage ni présent liés à leur fonction. Leur cagnotte tombe selon toute vraisemblance dans l’illégalité. Cependant, le code de déontologie, qui est avant tout moral (les journalistes enfreignent souvent le leur), a-t-il force de loi ? Oui selon Wikipédia qui rappelle l’historique de ce code.
Ainsi, pendant que la secrétaire d’Etat en charge de la Lutte contre les discriminations Marlène Schiappa assimilait le 9 janvier le soutien financier de Dettinger à une « complicité », des membres du ministère de l’Intérieur et à plus forte raison de l’Etat constituaient une cagnotte anti-Dettinger en toute illégalité.
«Il est souhaitable effectivement de savoir qui a donné à cette cagnotte, parce que je crois que c’est une forme de complicité. On a là quelqu’un qui a commis des faits très graves, qui a frappé un policier dans l’exercice de ses fonctions, qui était en train de maintenir l’ordre public, c’est gravissime. Soutenir cela, c’est être complice de cet acte et c’est l’encourager.»
⚡️MARLÈNE SCHIAPPA / La ministre serait pour l’identification des donateurs de la cagnotte du #boxeur ? Christophe #Dettinger car selon ses propos, il s’agit d’une « forme de complicité » pic.twitter.com/nXp9bvt6mI
— Pure. (@PureTele) 8 janvier 2019
Eric Drouet, figure emblématique des Gilets jaunes, qui n’a frappé personne, a lancé lui aussi une cagnotte – 100% légale celle-là – pour soutenir les Gilets jaunes blessés, qui sont déjà 1500. Blessés par les FDO, les forces de l’ordre. De ce côté ci de la justice, toujours pas de comparution immédiate en vue.
Alors que le bruit d’une cagnotte illégale enflait dangereusement sur les réseaux sociaux, aussitôt, Francetvinfo le site en ligne des rédactions couplées de France télévisions et Radio France, sortait de son chapeau Laurent-Franck Liénard, un « avocat spécialisé dans la défense des forces de l’ordre ». Un choix journalistique étonnant qui inspire tout sauf l’impartialité.
Selon Liénard, la cagnotte serait légale car « elle a été lancée par un député, il n’y a aucun souci. » Ce député (européen) n’est autre que le président Les Républicains de la région PACA Renaud Muselier. Alors que l’argument équivalent est refusé aux proches de Christophe Dettinger pour des raisons « morales », le voilà qui fonctionne pour la partie adverse.
« Ensuite, l’association fera ce qu’elle voudra de l’argent. Lors du versement, le député pourra toutefois soumettre la remise à une condition d’utilisation. »
Après la société écran, la personnalité écran. Le subterfuge est gros, mais il passe. Le pouvoir a tous les droits, même celui de les contourner.
Merci pour cette enquête, super article !