La loi « anti-casseurs » examinée dès ce mardi à l’Assemblée inquiète les députés de la majorité. Elle répond pourtant à une demande de l’exécutif : le 7 janvier dernier, le Premier ministre Edouard Philippe l’avait annoncée lors du journal de 20h sur TF1. Après les mesures pour le pouvoir d’achat, le gouvernement avait en effet choisi d’afficher sa fermeté et de prôner la répression contre les auteurs de violences lors des manifestations de « gilets jaunes ».
Pour transformer ses paroles en actes, l’exécutif a choisi de recycler une proposition de loi déposée en juin 2018 par le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau. Le texte, adopté par le Sénat en octobre dernier, n’a pas encore été amendé par le gouvernement. Il est critiqué au sein même de la majorité, alors qu’il doit être débattu dans l’hémicycle le 29 janvier.
Interdiction administrative de manifester
Le texte prévoit notamment d’autoriser des fouilles à l’entrée des cortèges de manifestants et de faire du port de la cagoule un délit passible de prison. Mais les craintes portent sur l’article 2. Il instaure une interdiction administrative de manifester qui pourrait être prononcée par le préfet de police envers un ou plusieurs individus, alors qu’à ce jour seul un juge peut prendre une telle décision.
Cette mesure s’inspire des dispositions appliquées aux hooligans, avec l’interdiction administrative de stade. « Je m’interroge sur l’atteinte à la liberté de manifester possiblement induite par ce texte », a déclaré la députée LREM de Maine-et-Loire Stella Dupont ce mardi. L’élue a également souligné le « risque de censure de ce texte par le Conseil constitutionnel ». Le député de la Vienne Sacha Houlié déplore que ce dispositif anti-hooligan n’ait jamais été évalué, « alors qu’il est en vigueur depuis 12 ans ». Le macroniste a déposé un amendement, soutenu par une cinquantaine de députés, pour obliger le gouvernement à rendre compte chaque année devant le Parlement de l’usage de ces dispositions, afin d’éviter des « dérives ».
Création d’un fichier de personnes bannies de manifestation
Autre sujet de discorde chez les marcheurs, la création d’un fichier de personnes interdites de manifester (article 3). « Le texte n’est pas assez précis sur la finalité de ce fichier. Combien de temps les informations sont-elles conservées ? À quoi cela va servir ? Quelles informations vont être demandées ? », s’interroge la députée LREM Paula Forteza interrogée par RTL. Elle a donc déposé deux amendements visant à supprimer les articles 2 et 3 du texte, soutenus par la place Beauvau. Une trentaine de députés marcheurs les ont cosignés. « Les négociations entre le groupe LREM et le gouvernement ne sont pas finies », constate un parlementaire. Elles ne pourront pas trop traîner, car le texte doit être débattu dans l’hémicycle le 29 janvier.
En revanche, l’exécutif pourra compter sur le soutien du MoDem. « Il faut le maximum de précisions et d’encadrement dans le texte pour ne pas mettre en péril la liberté de manifester », souligne la députée des Hauts-de-Seine Isabelle Florennes. « Mais ce texte est nécessaire pour renforcer les moyens des forces de l’ordre, même si les mesures d’ordre public ne règlent pas tout », poursuit-elle. L’élue reconnaît aussi l’objectif politique de cette loi : « les Français attendent des mesures fortes, après ce qui s’est passé ».
Le maintien de l’ordre sera au cœur des débats parlementaires cette semaine à l’Assemblée, avec une conférence de presse jeudi des députés Insoumis sur leurs propositions de loi sur l’interdiction des techniques létales d’immobilisation, de l’usage de grenades GLI F4 et de lanceurs de balles de défense par les forces de sécurité intérieure.