Une nouvelle loi russe portant sur la réglementation des boissons a provoqué un tollé parmi les producteurs français.
Une appellation sabrée
Vendredi 2 juillet, le président russe Vladimir Poutine a validé un amendement d’une loi portant sur la réglementation des boissons alcoolisées. Ce dernier autorise les producteurs russes à afficher l’appellation « champagne » sur leurs bouteilles, tandis que les exportateurs français devront, à l’inverse, modifier l’appellation de leurs productions en « vins pétillants ». Le terme « champagne » ne sera donc plus traduit en alphabet cyrillique, et seule l’appellation écrite en lettres latines pourra rester. Et ce, malgré une appellation très protégée…
En effet, l’appellation d’origine contrôlée « champagne » est protégée dans 120 pays à travers le monde, et jalousement défendue par la France. Cette défense, débutée en 1843 par un collectif de producteurs, tend à lutter « contre les utilisations trompeuses de producteurs de vins mousseux », comme le rappelle le Comité Champagne. En France, un vin doit provenir d’une zone précise et située dans une région du même nom pour pouvoir utiliser son appellation.
Les producteurs français vent debout
C’est un « scandale ultime », selon les mots de Charles Goemaere, directeur du Comité Champagne. « Désormais, si sur l’étiquette on aura toujours le droit d’utiliser le mot champagne en caractères latins, qui n’est pas la façon dont les Russes lisent les étiquettes, au dos, nous serons relégués au même rang que tous les autres vins mousseux », s’est plaint Charles Goemaere au micro de France 3. Selon lui, le fait que seuls les Russes puissent appeler « champagne » en écriture cyrillique « induit une vraie problématique d’information pour le consommateur russe sur l’origine et les caractéristiques de nos produits et des vins russes », a-t-il ajouté. Cet après-midi, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré auprès de l’Assemblée que la France allait « agir dans les jours qui viennent », et qu’elle n’écartait pas de poursuivre la Russie.
Loi russe contre le #champagne : « Cette loi s’inscrit dans une logique de mesures protectionnistes de la part de la Russie depuis un certain temps », rappelle @JY_LeDrian.
> « Nous allons agir dans les jours qui viennent. » #DirectAN #QAG pic.twitter.com/UII4bCC64g— LCP (@LCP) July 6, 2021
Le ministre français de l’Agriculture, Julien Denormandie, a voulu rassurer les producteurs de l’Hexagone sur la position du gouvernement : « la position de la France, elle est très claire : le mot champagne, ça vient de ces belles régions de France où on produit le champagne, mais qui aujourd’hui est une dénomination utilisée par d’autres pays », a-t-il déclaré ce matin sur Sud Radio. Malgré l’appel du Comité Champagne aux producteurs à cesser toute expédition vers la Russie, certains craignent de lourdes conséquences économiques pour le secteur viticole.
La Russie et le champagne
Selon les chiffres du comité sortis en 2020, la Russie est classée au 15ème rang des exportations de champagne. Avec plus de 35 millions d’euros dépensés et environ 1,8 million de bouteilles consommées, cette part du marché reste minime par rapport à d’autres pays amateurs de cette spécialité française : 501 millions d’euros de champagne acheté par les États-Unis en 2020, et 338 millions pour le Royaume-Uni. Le champagne, ou plutôt le « champanskoïe » en russe, semble notamment être apprécié pour son passé soviétique.
En 1937, Joseph Staline lança la marque « Sovetskoïe champanskoïe », qui devait rendre le champagne accessible à tous les travailleurs de l’Union soviétique : le champagne à la russe fut alors massivement produit et vendu à bas prix. Après la dissolution de l’URSS, le terme de « champanskoïe » a perduré, et posa un problème de taille lors de l’intégration de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce. Un couac historique qui n’a, décidément, pas encore dit son dernier mot.
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