Anthony Fauci, le scientifique que les partisans du président Trump aimaient haïr, aurait supposément échangé des courriels l’an dernier qui constitueraient une admission de sa part que le virus avait été fabriqué dans un labo chinois, que l’hydroxychloroquine fonctionne et que, par son inaction, il serait personnellement responsable de millions de morts. En réalité, les courriels en question ne contiennent rien de tel, mais le Détecteur de rumeurs explique comment ces interprétations ont pu voir le jour.
L’origine des rumeurs
Anthony Fauci, qui est depuis 1984 à la tête d’une agence du gouvernement fédéral en charge de la lutte contre les maladies infectieuses, est devenu un des visages scientifiques les plus connus des États-Unis l’an dernier, lorsque la pandémie a commencé et qu’il s’est retrouvé à intervenir sur toutes les tribunes — y compris, en quelques occasions, aux côtés du président Trump.
Le 1er juin dernier, plus de 3000 courriels du Dr Anthony Fauci, datés de janvier à juin 2020, faisaient l’objet de reportages de BuzzFeed, du Washington Post et de CNN. Aucun de ces reportages n’était accusateur (« Les courriels d’Anthony Fauci révèlent la pression qui est tombée sur un seul homme » titrait par exemple BuzzFeed), ce qui n’a pas empêché, quelques heures plus tard, les mots-clics #FauciLeaks (du mot anglais leak, qui veut dire « fuite ») et #FauciGate (allusion au scandale du Watergate) d’être parmi les plus populaires sur Twitter (« trending »). Parallèlement, apparaissaient sur les médias sociaux toutes sortes de théories sur des complots dont ces courriels auraient supposément confirmé l’existence.
Les faits
Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une « fuite », comme lorsqu’une source anonyme remet à un journaliste une série de documents secrets : ces documents ont été obtenus par ces médias en vertu de la loi américaine d’accès à l’information (Freedom of Information Act), qui permet, comme son équivalent au Canada, de réclamer des documents produits par un employé du gouvernement fédéral. Anthony Fauci étant le directeur d’une agence qui relève du gouvernement fédéral, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), il est assujetti à cette loi.
Les 3000 courriels représentent donc sa correspondance autour du thème de la COVID, pendant les six premiers mois de la pandémie.
On peut lire ces courriels ici et y chercher en vain une déclaration incriminante de Fauci. Sur l’hydroxychloroquine par exemple, il répond le 25 mars 2020 au président du conseil scientifique français, Jean-François Delfraissy, qu’il n’a, lui non plus, aucune donnée clinique solide pour trancher, en dépit de la « forte pression » à laquelle il est soumis, Donald Trump ayant vanté ce « traitement » quelques jours plus tôt.
Sur le labo chinois, un des courriels qui a le plus attiré l’attention n’est pas de lui, mais de Kristian G. Andersen, spécialiste de l’évolution des virus au Scripps Research Institute. Réagissant le 31 janvier 2020 à un article de la revue Science sur l’évolution probablement naturelle du virus de la Covid, ce biologiste reconnait que cette question est difficile à trancher, mais que ses collègues et lui considèrent que certaines parties du génome « nous semblent inconsistantes avec ce qu’on attend de l’évolution. » Mais il ajoute qu’ils doivent poursuivre leurs analyses et que leur opinion pourrait bien changer. Fauci lui propose d’en discuter au téléphone.
Le résultat des recherches ultérieures d’Andersen parait six semaines plus tard, sous forme d’une lettre dans Nature Medicine, où les auteurs écartent l’hypothèse d’une manipulation en laboratoire. Andersen s’en est également expliqué cette semaine.