L’IGPN, cette police des polices controversée


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Disparition de Steve, bavures policières, interpellations musclées… La police des polices est régulièrement chargée d’enquêter sur d’éventuelles dérives des forces de l’ordre. Mais l’IGPN est-elle si impartiale ?

Ces derniers mois ont été intenses pour l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Les éborgnés et actions controversées des forces de l’ordre lors des manifestations des Gilets jaunes ont donné du travail à la police des polices, chargée d’enquêter sur les comportements des policiers. C’est aussi à l’IGPN qu’il revient d’enquêter sur l’opération policière, polémique, menée lors de la Fête de la musique à Nantes, au cours de laquelle Steve Maia Caniço a disparu. Son rapport sera rendu dans la semaine du 29 juillet. L’IGPN avait été saisie le 24 juin par le ministère de l’Intérieur.

Quelles sont ses conclusions dans les dernières affaires médiatisées impliquant les services de police ? Le rapport 2018 de l’IGPN, publié le 13 juin, a fait état d’une hausse des saisines et de l’usage des LBD et grenades lacrymogènes, et a publié pour la première fois un chiffre consolidé du nombre de morts (15) et blessés (106) lors d’interventions policières. Pour l’ensemble de l’année 2018, l’IGPN a enregistré une hausse de 8,8% des saisines judiciaires et de 5% des saisines administratives.

Il en ressort que les forces de l’ordre ont utilisé en 2018 trois à quatre fois plus de balles de LBD et grenades de désencerclement que l’année précédente, notamment lors des manifestations Gilets jaunes, où les blessures graves qu’elles ont provoquées ont fait polémique, selon les chiffres de l’IGPN qui n’exclut pas une réflexion sur leur usage.

La «période du 17 novembre au 31 décembre représente pour les seules manifestations de Gilets jaunes [alors au pic de leur mobilisation] près du tiers des déclarations d’usage du LBD et plus de la moitié des munitions tirées», a détaillé la directrice de l’IGPN, Brigitte Jullien.

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes et jusqu’à aujourd’hui, l’IGPN a été saisie de 265 enquêtes judiciaires, dont près de 40% (105) ont à ce jour été transmises aux parquets.

«Les parquets ne nous informent pas de leurs décisions […] sur les classements ou les poursuites […] immédiatement. On a demandé aux procureurs de nous informer des suites judiciaires. Ce sont eux qui sont maîtres du temps, maîtres des horloges», a expliqué Brigitte Jullien. En effet, concernant des heurts en marge des manifestations des Gilets jaunes, l’IGPN a régulièrement été accusée par les parties civiles et victimes de faire piétiner les enquêtes ou de dédouaner les autorités. Elles se plaignent de la longueur des procédures impliquant des policiers et déplorent qu’aucun d’entre eux n’ait été pour le moment suspendu. Dans le même temps, plusieurs Gilets jaunes ont déjà été condamnés par les tribunaux, amplifiant un sentiment d’injustice parmi eux. Dans les rangs de Gilets jaunes, on dénombre, selon des collectifs, 23 éborgnés et cinq mains arrachées.

Alors que l’exécutif refuse d’employer le terme de «violences policières», s’attirant les foudres des Gilets jaunes et de leurs soutiens dans la classe politique, la numéro un de l’IGPN s’est elle aussi déclarée opposée à cette terminologie et a justifié la longueur des enquêtes. «Je réfute totalement le terme de violences policières puisque toutes les enquêtes sont ouvertes pour savoir si l’usage de la force a été fait dans un cadre légal et si la riposte est proportionnée à l’attaque qui a été subie», a avancé Brigitte Jullien.

A rebours des idées reçues, l’IGPN ne réserve pas toujours un traitement clément aux services de police. Ainsi, parmi les exemples les plus récents, après une enquête accablante de l’IGPN, dont les conclusions ont été remises en avril 2019, deux policiers marseillais ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, suspectés d’avoir passé à tabac un lycéen sans raison en février 2018.

L’IGPN a aussi pris dernièrement à contre-pied les affirmations du procureur sur le comportement du commandant Didier Andrieux, accusé d’avoir interpellé avec violence des manifestants lors de l’acte 8. Le procureur a estimé que Didier Andrieux avait agi «proportionnellement à la menace ; l’IGPN a de son côté considéré que ses actes n’étaient «ni proportionnés ni nécessaires». Conséquence : selon Libération, le procureur s’est «plié au constat de l’IGPN et a ouvert, le 24 juillet, une information judiciaire pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique».

C’est en fait la nature même de l’IGPN qui lui vaut ces soupçons d’impartialité, puisqu’il s’agit d’un service actif de la direction générale de la police nationale dépendant du ministère de l’Intérieur. Ce qui fait dire à Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, interviewé par Le Monde, que «hors de tout esprit de polémique, [on ne peut] qualifier l’IGPN d’indépendante»

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