Depuis un an, Bercy réclamait plus de 100 millions d’euros à E.Leclerc : le ministère a doublé la mise le 21 juillet, avec une nouvelle amende, accusant le géant de la distribution de passer par l’étranger pour abuser de ses fournisseurs.
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, et sa secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher, ont assigné plusieurs entités de Leclerc pour leur réclamer une amende de 117,3 millions, selon un communiqué publié par Bercy le 21 juillet et confirmant des informations du Figaro.
Principale entité visée par cette décision, la centrale belge d’achat de Leclerc, Eurelec, que Bercy accuse de «pratiques commerciales abusives […] pour contourner la loi française et imposer des baisses de tarifs très importantes, sans aucune contrepartie, à certains de ses fournisseurs».
C’est la seconde fois en à peine plus d’un an que le ministère vise Leclerc, géant de la grande distribution, et à chacune de ces actions, qui portent à plus de 200 millions d’euros les montants réclamés au groupe, ce sont les centrales d’achat qui sont en cause.
Ces organismes regroupent les commandes des différents magasins, jouant un rôle d’interlocuteur unique auprès des fournisseurs dont les produits sont revendus.
En juin 2018, Bercy avait en effet déjà assigné le Galec, principale centrale d’achat du groupe, devant le tribunal de commerce de Paris, lui réclamant 108 millions pour avoir imposé des prix moins chers à une vingtaine de fournisseurs, hors des contreparties prévues par leurs contrats. La justice doit encore se prononcer.
Toutefois, à la différence de l’annonce du 21 juillet, ce montant est largement compris de remboursements exigés auprès des fournisseurs. Cette fois, les 117 millions réclamés se résument bien à une amende. Le montant est sans précédent dans la grande distribution et sans commune mesure avec ceux généralement demandés par Bercy, qui tournent autour de quelques millions d’euros.
L’enseigne E. Leclerc a-t-elle contourné la loi ?
Le ministère, qui se base sur une enquête de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), accuse Leclerc d’avoir contourné la loi française via sa centrale d’achat belge, créée en 2016 et partagée avec l’allemand Rewe. «Depuis la mise en place de cette centrale, le mouvement E. Leclerc délocalise chaque année une part plus importante de ses négociations commerciales en Belgique», selon le ministère.
Leclerc «aurait eu recours à l’application de mesures de rétorsion fortes, pour obliger ses fournisseurs à accepter les conditions posées par Eurelec», ajoute-t-il.
De son côté, Leclerc a dénoncé une volonté politique du gouvernement, promettant de faire valoir ses droits et rappelant que les négociations visées concernaient de grands groupes multinationaux et non des petites et moyennes entreprises (PME).
«Derrière ces attaques permanentes dont sont témoins les consommateurs depuis deux ans, il s’agit clairement de mettre la pression sur E. Leclerc», a déclaré Olivier Huet, président du Galec, dans un communiqué.
Leclerc centre son discours sur la défense du pouvoir d’achat du consommateur mais est fréquemment accusé par ses fournisseurs comme ses concurrents d’imposer des prix agressivement bas. Le groupe a affiché une attitude moins conciliante que ses principaux concurrents lors des débats qui ont abouti l’an dernier à une loi sur l’alimentation, par laquelle le gouvernement visait une répartition équilibrée des prix entre agriculteurs, distributeurs et consommateurs.