EMPLOI. Le texte mécontente à la fois les syndicats et les organisations patronales.
C’est le dernier gros chantier du gouvernement avant l’été. L’exécutif présente ce mardi sa réforme de l’assurance-chômage, après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux fin février. Edouard Philippe et Muriel Pénicaud seront côte à côte à la mi-journée, à Matignon, pour détailler ce projet déjà largement évoqué par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, le 12 juin dernier. Cette réforme devrait entrer en vigueur dès cet été. Pour le gouvernement, c’est le dernier pilier censé remodeler le marché du travail, après le bouleversement du Code du travail en 2017 et la réforme de l’apprentissage et de la formation.
Avant de détailler les mesures annoncées et celles qui doivent être confirmées, il faut se mettre à la place de l’exécutif. De son point de vue, les règles actuelles de l’assurance-chômage comportent deux grands défauts : elles n’inciteraient pas les chômeurs « au retour à l’emploi durable » et laisseraient les entreprises multiplier les embauches en CDD de plus en plus courts. A cette volonté de corriger ces « défauts » s’ajoute un objectif financier : faire économiser à l’Unédic entre 1 et 1,3 milliard d’euros sur trois ans.
De ce constat – qui n’est pas partagé par les syndicats et les organisations patronales – découlent plusieurs changements.
Bonus-malus : Un coup de bâton limité
Le gouvernement l’avait tellement promis qu’il ne pouvait plus reculer. Le bonus-malus sur les cotisations d’assurance-chômage va bien voir le jour. Concrètement, une entreprise qui abusera des contrats courts par rapport à d’autres entreprises du même secteur devra payer plus de cotisations. Cela viendra compenser le « surcoût » supporté par l’assurance-chômage, qui doit indemniser les travailleurs à chaque fin de CDD.
Même si le montant de la « surcotisation » n’a pas encore été dévoilé, et que l’exécutif a déjà précisé que le bonus-malus ne concernerait que « 5 à 10 secteurs » d’activité (hôtellerie-restauration, audiovisuel, arts et spectacles, par exemple), les organisations patronales préparent déjà la contre-attaque.
« [Le bonus-malus] ne servirait à rien d’autre qu’à augmenter les charges de certaines entreprises pourtant créatrices d’emplois » prévient la CPME. « Ces contrats [courts] permettent de répondre aux aléas de l’activité » dans les petites entreprises, renchérit Marc Sanchez, secrétaire général du syndicat des Indépendants. Il demande donc à ce que les entreprises de moins de 11 salariés ne se voient pas imposer le bonus-malus.
Une durée d’allocation réduite pour les cadres
Edouard Philippe l’a confirmé la semaine dernière. Il y aura bien « une dégressivité de l’indemnisation pour les salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés ». Les salariés les mieux indemnisés par Pôle Emploi, qui peut leur verser jusqu’à 6.200 euros mensuels, verront leurs allocations diminuer au fur et à mesure du temps passé au chômage. Le montant maximal pourrait aussi être revu à la baisse.
Dans l’esprit d’Edouard Philippe, ces travailleurs – souvent des cadres – seraient « en mesure de retrouver un emploi plus vite que les autres », et n’auraient donc aucune raison de rester au chômage, sauf à vouloir profiter de leurs indemnités. « Il n’est pas anormal que les hauts revenus fassent un effort », indiquait en février dernier le député LREM Aurélien Taché.
#LaMatinaleLCI La solidarité nationale finance le chômage & le #chômage des cadres est à 3% (8,8% dans le pays). Ainsi, il n’est pas anormal que les hauts revenus fassent un effort. J’avais proposé la dégressivité des allocations chômage des cadres à hauts revenus en juillet.@LCI pic.twitter.com/wroJOz1xhP
— Aurélien Taché (@Aurelientache) 25 février 2019
Mais pour Eric Heyer, économiste à l’OFCE interrogé par LCI, « l’intérêt [de cette mesure] est faible, d’autant qu’ils [les cadres] sont très peu à partir au chômage avec une indemnité pareille. Pour atteindre l’indemnité chômage mensuelle de 6.200 euros, un cadre doit gagner plus de 13.000 euros par mois ».
« Les cadres les mieux payé.e.s sont (…) en général celles et ceux qui ont plus de 50 ans. Sauf que, lorsque l’on a plus de 50 ans et que l’on est au chômage, retrouver un emploi est beaucoup plus long » appuie la CGT dans un long contre-argumentaire au projet du gouvernement. Le syndicat rappelle que la dégressivité a déjà été testée en France dans les années 1990 avec un succès très relatif, et propose à la place de relever le taux de cotisation des cadres.
Des droits au chômage plus difficiles à obtenir ?
S’il s’est clairement exprimé sur les deux premières mesures, Edouard Philippe s’est en revanche montré très discret sur la troisième piste de réforme de l’assurance-chômage. Selon les Echos, le gouvernement veut durcir l’accès à l’indemnisation. Jusqu’à présent, il fallait cumuler au moins 4 mois de travail pour prétendre aux allocations chômage. L’exécutif envisagerait de porter cette durée à 6 mois. Toujours d’après les Echos, la mesure toucherait 236.000 allocataires et représenterait 160 millions d’euros d’économies par an.